Livre d'or

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Bernard Lamailloux (site web) Le 30/06/2013

C’était il y a très longtemps, dans les années 70. À cette époque je vivais à Marseille, dans une cité improbable jouxtant l’immense cimetière St Pierre. Tous les jours, je me rendais à pied au lycée Marcel Pagnol, que je fréquentais alors. À cette époque, notre lycée, comme beaucoup d’autres, accueillait des élèves de la sixième jusqu’à la terminale…

Parfois j’avais la chance de croiser en chemin un jeune hurluberlu de mon âge, qui fréquentait le même lycée que moi, et je me réjouissais alors de faire un bout du chemin avec lui.

L’hurluberlu en question s’appelait, s’appelle toujours Jean-Michel Philibert. Il habitait alors une rue qui portait son nom (si !), ce qui, déjà, était de nature à m’époustoufler. Mais quiconque se serait arrêté à ça n’était certes pas au bout de ses surprises… Jean-Michel était déjà ce bonhomme extrêmement inventif qu’avec quelques camarades nous surnommions « Géo Trouvetou ». Jamais je n’oublierai sa bonne bouille ronde, rigolarde, sous une incroyable tignasse bouclée d’artiste ou de savant fou (au choix).

Pour ma plus grande joie, aussitôt après les salutations d’usage, le personnage s’employait alors – le plus souvent – à extirper de son cartable des objets des plus étranges, le plus souvent des instruments de musique, qu’il fabriquait déjà entièrement de ses mains (nous avions une quinzaine d'années au bas mot). Je me souviens en particulier d’un banjo dont la « table » était tendue d’une peau de lapin récupérée chez un boucher et rasée à l’aide d’une vieille lame Gillette (sauf sur les bords, pour faire plus joli, et puis là au moins ça ne gênait pas le son…), et dont les barrettes étaient entièrement faites à l’aide de rails de train électrique (...quand on y réfléchit, ils ont une forme vaguement appropriée…). Peut-être même que le chevalet était récupéré dans un morceau d’os charrié par la pluie, et en provenance du cimetière voisin, mais là j’invente complètement… En tout cas on l’aura compris, le petit gars était aussi un as de la récup’

Un jour, il m’a même fait l’offrande de son instrument du jour ! Il s’agissait d’une magnifique flûte en métal (compromis entre la flûte droite et la flûte traversière, un minuscule embout soudé par le côté tombait en face d’une fente biseautée, si bien que même un gros pataud de mon espèce arrivait à en extirper très facilement des sons à peu près potables). L’instrument était pourvu de bêtes troutrous dont le diamètre et la distance faisaient que, miraculeusement, les notes qu’on y produisait étaient très justes ! Preuve, si besoin était, que les troutrous n’étaient pas si bêtes que ça. Pour ne rien dire de leur auteur, œuf corse…

Cette flûte était ouvragée à partir d'une espèce de petite tringle (genre… porte-serviettes ?) ouvragée de façon kitschissime à l’une de ses extrémités, celle des deux qui ne servait pas, donc. Même esthétiquement, leffet était donc saisissant ! Plus de quarante années plus tard, cet objet si singulier se trouve toujours à portée de ma main.

Par la suite, bien des années après, j’ai appris par un ami commun (Tony Baldo) que Jean-Michel fabriquait des archets dans la ville de Strasbourg, et après quelques démarches, j’ai enfin retrouvé la trace de ce bonhomme si étonnant, si doué, et au cœur gros comme ça.

Cela nous a permis de renouer le contact, ce dont je me réjouis. Nous avons même pu gratter la guitare ensemble, et nous faire découvrir mutuellement nos petites chansons respectives. Au passage, Jean-Michel a commis (paroles, musiques, arrangements) un CD d’excellente facture, intitulé « Le Blues de la Belle-mère », et j’avoue ne pas comprendre qu’il n’y soit fait mention nulle part dans ce site si réjouissant par ailleurs (La mention « En construction, chantier » explique peut-être cela…). Toutes, je dis bien TOUTES ses chansons sont à mes oreilles belles, bouleversantes, mélodiques, agréables, odorantes, et dégagent une énergie et une pêche fort originales, et complètement à l’image du personnage.

J’ai la chance d’en avoir n exemplaire à la maison, et s’il me vient volontiers la larme à l’œil en l’écoutant, c’est sans doute à cause des oignons de Mme Meyer (…c'est une des chansons).

Bref, il s’agit-là d’un artiste multi-protéiforme, mais d’un artiste à part entière, que dis-je messieurs-dames, à parts entières, au pluriel, je vous prie de le croie ! D’ailleurs, si vous êtes là c’est que vous êtes déjà peu ou prou convaincus, non ?

Ainsi, Jean-Michel est une des personnes les plus créatives, sensibles et prolifiques que j’aie jamais rencontrées. Ceux qui le côtoient aujourd’hui sans son île de Guadeloupe ont bien de la chance.

Oui, bon, je sais, je n’ai dit aucun mot de l’œuvre picturale du monsieur… C’est que, voyez-vous, je trouve qu’elle parle tellement d’elle-même…

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